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02 - Les créateurs de Superman

Comment le premier super-héros de DC comics a été créé par Siegel et Shuster au début du Golden Age ? Comment le personnage a-t-il évolué ?

Qu'est-il arrivé à ses créateurs ?

Texte de la vidéo :

 

UN DUO LÉGENDAIRE

Joe Shuster naquit le 10 juillet 1914 à Toronto dans une famille d’immigrants juifs. Grandissant dans un milieu modeste il aidera très tôt sa famille en travaillant au Toronto Daily Star. Cette expérience maquera toute sa vie le jeune garçon, que ce soit l’ambiance survoltée de la rédaction, ou les strips publiés dans le journal. Ces lectures d’aventures merveilleuses le pousseront d’ailleurs à subtiliser des feuilles à la rédaction pour s’entraîner au dessin sur les versos encore blancs. Et, ce jusqu’au départ de sa famille pour Cleveland dans l’Ohio quand il avait 10 ans.

Jerry Siegel né quant à lui le 17 octobre 1914, lui aussi fils d’immigré juif. Son père travaille comme peintre d’enseignes, et s’en sortira assez bien pour ouvrir son propre atelier. Il favorisera les penchants pour l’écriture de son fil qui tentera assez tôt d’écrire ses propres histoires de science-fiction. Cette enfance heure sera malgré tout entaché d’un drame lorsque ce père sera tué par balle lors d’un braquage dans sa boutique. (Le certificat de décès parle d'une crise cardiaque mais la famille contestait cette version.)

Les deux jeunes gens se rencontreront au lycée de Glenville où ils collaboreront dans l’hebdomadaire des étudiants à partir de 1931.

En 1933, les deux amis publient Science-Fiction Weekly. C’est dans ce fanzine, qui durera 5 numéros,

qu’est publié « Reign of the Superman ». Souvent présenté comme une préversion de l’ange de Métropolis,

le personnage qui y est montré en est pourtant diamétralement opposé. Puisant dans l’ambiance délétère de la Grande Dépression, cette histoire se déroule dans un futur soumis aux velléités d’un homme chauve doté de pouvoirs psychiques extraordinaires. Imaginez un mixe en Charles Xavier et Lex Luthor.

C’est cette même année que les deux auteurs vont imaginer le héros herculéen et réaliser en une nuit sa première aventure sous forme de comic strip. Mais n’essuyant que des refus des syndicates, sortent d’agences de presse fournissant du contenu aux journaux, Joe jettera leur travail au feu.

Enfin, en 1935 ils décrocheront un contrat avec National Allied Publications, qui deviendra plus tard DC comics. Pour cette firme ils travailleront sur divers personnages comme le Dr.Occult, Henri Duval ou Slam Bradley. Ils finiront par entrer au McClure Syndicate, où un jeune « editor », Sheldon Mayer verra le potentiel de Superman. Si bien que le personnage se verra recommandé à Vin Sullivan, alors responsable éditorial chez National pour le lancement d’un nouveau titre.

Trop heureux de pouvoir enfin placer leur idée, le duo cédera les droits du personnage ainsi que le matériel des numéros à venir pour seulement 130 $. Une très bonne affaire pour National puisque, le premier numéro d’Action Comics sorti en avril 1938 (mais daté de juin selon une pratique répandue à l’époque) se vendra 200 000 exemplaires. Et au bout d’un an, la revue finira par tirer à plus d’un million.

< Action Comics

Numéro 8 , janvier 1939

Dessin de Joe Shuster

UN SUPERHÉROS ABORDANT LA QUESTION SOCIALE

Mais ce Superman des origines est encore très différent de ce que l’on connaît aujourd’hui. En 1938 pas de vol, ou de rayons lasers. Le personnage tient encore beaucoup de figures mythologiques comme Samson ou Hérakles. Le costume coloré du justicier s’inspire d’ailleurs des « Hercules de foire » qui étaient un spectacle très populaire à l’époque

Et sur le plan des valeurs, il n’est pas encore ce défenseur du modèle capitaliste américain que l’imaginaire collectif a retenu. En effet, au travers des diverses refontes qu’a connues le personnage, on a fini par oublier combien c’était une création personnelle.

Fils d’immigrés, issus de milieux modestes et confrontés aux problèmes engendrés par la grande dépression, Siegel et Shuster se sont créés le héros dont ils avaient besoin. Un héros se battant pour construire une société plus juste qu’ils aimeraient se voir concrétiser. Un héros, qui s’il existait aurait empêché la disparition

du père de Jerry.

À ses débuts, Superman se rebelle donc surtout contre les injustices sociales de son époque. Que ce soit au travers de ses articles sous l’identité de Clark Kent ou plus frontalement quand il met sa cape.

Par exemple, dans Action Comics n° 8 il rasera des taudis afin de pousser le gouvernement à reconstruire des logements décents. S’opposant au passage à la police il expliquera que de telles conditions de vie favorisent la montée de la criminalité.

Mais il affrontera aussi des industriels mettant en danger leurs salariés par goût du profit, des maris violents, des politiciens corrompus de connivence avec des lobbyistes de l’armement, etc.

< Action Comics

Numéro 8 , janvier 1939

Dessin de Joe Shuster et texte de Jerry Siegel

Cette vision d’un héros luttant contre les injustices sociales finira même par influencer la réalité. En effet, en 1947, les scénaristes et producteurs de l’adaptation radiophonique vont utiliser les informations fournies par le militant des droits de l’homme, Staton Kennedy, pour informer le grand public sur le Ku Klux Klan, renommé dans la série the Clan of Fiery Cross. L’impact sur le recrutement de l’organisation fut si énorme qu’en 2005 des journalistes décrivirent cet événement comme « le plus gros impact médiatique pour affaiblir le Ku Klux Klan via une œuvre de fiction. »

UN HÉROS DEVENU SUPPORT DE PROPAGANDE

Malheureusement, cette vision militant du superhéros ne s’inscrira pas dans la durée. Avec l’entrée des USA dans la Seconde Guerre mondiale il deviendra, comme ses confrères, un outil de propagande.

Et ça ne s’arrangera pas dans les années suivantes. Avec la guerre froide, la montée du maccarthisme et l’apparition du Comic Code, le kryptonien sera désormais tenu de faire l’apologie du modèle américain. Le tout dans des récits franchement ridicules.

Malgré tout, le personnage perdura. Ce qui fit dire à Mort Weisinger, longtemps rédacteur en chef chez DC, que : « La preuve de la force de Superman est qu’il est invulnérable même aux scénarios de ses histoires. » C’est triste à dire, mais il n’en va pas de même de ses créateurs.

Superman 12 >

Septembre 1941

Dessin de Fred Ray

UNE QUESTION DE DROITS

Ayant cédé tout droit sur leur création Joe et Jerry ne sont plus considérés que comme de simples exécutants n’ayant pas l’autorisation de faire évoluer le personnage comme ils le voulaient. De plus, la composante sociale de leurs récits est jugée trop sérieuse.

Aussi quand au bout de 10 ans ils revendiquent des droits sur le personnage ils se font renvoyer après avoir été poussé à accepter un accord financier. Et à partir de 1949, on ne retrouve plus leurs noms dans les séries de l’homme d’acier.

Viendra alors ce que Siegel nommera « la période de réclusion ». Ils feront sans grand succès le tour des maisons d’édition jusqu’à disparaître complètement de l’industrie des comics. Jerry deviendra employé des postes en Californie pour un salaire de 7 000 $ par an. Joe, perdant progressivement la vue, se retrouvera lui au chômage et atterrira dans un hospice.

Mais en 1975, les auteurs de comics commencent à s’organiser pour réclamer un meilleur traitement.

Dans ce contexte, Neil Adams et Jerry Robinson finiront par retrouver la trace des 2 amis.

De gauche à droite : Joe Shuster, Neil Adams, Jerry Siegel, Jerry Robinson

UNE RECONNAISSANCE TARDIVE

Or à cette époque, la Warner vient de racheter DC et a pour projet de monter un film sur Superman.

Superman: The Movie, 1978, Richard Donner

Siegel tape alors une lettre de 10 pages racontant comment lui et son comparse ont été privés de reconnaissance pendant 40 ans par une industrie dont ils avaient largement contribué à faire le succès.

Cette lettre attira l’attention du Washington Star ce qui mènera à une interview dans l’émission Tomorrow Show. En parallèle le magazine Inside Comics publiera un article sur les procès engagés par Siegel et

Shuster afin d’être reconnus comme les créateurs de l’homme d’acier.

Pour éviter plus de mauvaise publicité, la Warner accordera une mutuelle et une rente annuelle de 20 000 $ au duo et les crédita enfin sur chaque œuvre mettant en scène l’ange de Métropolis à partir de 1976.

Pour citer Neil Adams : « Il n’y avait aucun inconvénient à les traiter comme des êtres humains. »

Joe Shuster mourut en 1992 et Jerry Siegel en 1996. L’industrie des comics décida de les honorer en les faisant enter au Will Eisner Comic Book Hall of fame ainsi qu’au Jack Kirby Hall of Fame.

 

Sources :

Pour écouter The Adventures of Superman: "Clan of The Fiery Cross" :

Beatty, S. (2003). Superman. L'encyclopédie de l'Homme d'acier. Semic (2003).

Gabilliet, J.-P. Des comics et des hommes: histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis. Édition du temps (2005).

Jennequin, J.-P. Histoire du comic book t1 - des origines à 1954. Vertige Graphic (2002).

Irving, C. Kushner, S. Des Comics et des Artistes. Muttpop (2016).

Collectif. Superman Anthologie. Urban Comics (2013)

Altarriba, A. (2006). Superman : Le mythe. In: Mythe et bande dessinée. p13-21; Presse universitaire Blaise-Pascal

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