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Howard P. Lovecraft : celui qui écrivait dans les ténèbres


Certains ont dit qu’il détestait la vie elle-même, mais au-delà de la légende, qui était vraiment celui que d’autres considèrent comme le plus grand écrivain d’horreur du vingtième siècle ?

Howard P. Lovecraft : celui qui écrivait dans les ténèbres

Scénario : Alex Nikolavitch

Dessin et couleurs : Lara Lee, Gervasio Benitez, Carlos Aón

Éditeur : Jean-Paul Moulin

Maison d'édition : 21g

Date de publication : 25 janvier 2018

< Tous les dessins dans cet article sont de

Lara Lee, Gervasio Benitez et Carlos Aón.

Critique :

Faire la review d’une biographie peu se révéler être un exercice quelque peu délicat puisqu’il faudrait dans l’idéal maîtriser le sujet aussi bien que le biographe pour pouvoir en parler sérieusement. Et dans le cas présent, s’ajoute à ce problème l’existence d’un « mythe Lovecraft ».

Je ne parle pas là de la cosmologie dont l’auteur américain a posé les bases dans ses écrits, mais du fait qu’au fil des années l’homme réel qu’il était a fini par être remplacé dans l’imaginaire collectif par une image fantasmée qu’il a, du moins en partie, contribué à créer. Et c’est à ce Lovecraft caricatural qu’on est le plus souvent confronté en France. Et ce depuis qu’on l’a découvert après la guerre par l’intermédiaire d’un Jacques Bergier qui, conforme à sa réputation, en rajouta un chouïa (il me semble d’ailleurs que c’est lui qui inventa l’expression « reclus de Providence »).

Au contraire l’album publié par 21 g démythifie quelque peu Lovecraft. Pour ce faire, Alex Nikolavitch a alimenté son écriture par la lecture de correspondance de l’écrivain, de ses carnets (du moins ceux qui ont été publiés) ou encore des essais ou il théorisait sa vision de l’horreur. Tout cela a permis de mettre en scène un H.P.L assez éloigné de l’image du « vieux gentleman » qu’il ne put de toute façon jamais être puisqu’il décéda à l’âge de 46 ans.

En revanche, il ne s’agit pas d’une biographie complète et exhaustive. La bande dessinée débute en effet lors de son installation dans le quartier New Yorkais de Red Hook et déroule la décennie suivante jusqu’à sa disparition. Et on va suivre sa vie en sautant d’anecdote en anecdote. Beaucoup peuvent sembler parfaitement insignifiantes, comme lorsqu’il partage son amour des crèmes glacées avec ses amis (parce que oui, il n’avait pas que des relations épistolaires) et affirme avoir goûté tous les parfums proposés. Cependant, ce genre de petits détails sont importants pour dépoussiérer l’image de sinistre misanthrope qui lui colle à la peau. D’autres évènements, comme ses voyages, paraissent plus importants puisqu’ils semblent inspirer certains de ces textes les plus connus, nouvelles qui sont d’ailleurs citées « graphiquement ».

D’ailleurs, l’équipe en charge des planches s’attaque elle aussi à la destruction de la sinistre idole.

Ainsi, lorsque j’ai feuilleté l’ouvrage la première fois, j’ai été marqué par les choix de colorisation qui couplés à un trait assez libre et clair nous éloigne beaucoup de l’aspect sinistre qu’on nous offre trop systématiquement dés qu’on commence à s’approcher du créateur des Grands Anciens. Et les passages de la BD illustrant les écrits de Lovecraft méritent aussi le coup d’œil.

Mention spéciale pour la représentation de Cthulhu. L’apparence de celui qui « rêve et attend » ce s’éloignant des canons habituels lorsqu’il apparaît. Alors que la statuette censée le représenter est elle fidèle au croquis qu’en avait fait Lovecraft lui même. Ce qui permet de souligner un aspect qu’on oublie souvent à la lecture des nouvelles. À savoir que les narrateurs ont généralement déjà perdu l’esprit au moment où sont censées être retranscrites leurs aventures. Et donc leurs descriptions des évènements ne sont peut-être pas conformes à la « réalité » qu’ils ont vécue.

À la lecture de cet article, vous avez peut-être le sentiment que tout ce qu’on a dit sur Lovecraft est un mensonge et qu’il n’était en fait qu’un artiste incompris ayant un peu de mal à se conformer aux conventions de la société moderne. Et il était ça aussi. Et son incapacité à accepter des consignes relativement élémentaires telles que taper ses textes à la machine avant de les envoyer. Ce qui ne fut probablement pas sans incidence sur sa difficulté à se faire publier. Cependant cet album n’est pas une hagiographie dépeignant un artiste maudit, mais sympathique qu’il faudrait réhabiliter à tout prix. Non, les zones d’ombres de sa personnalité sont aussi abordées. Elles encadrent même la narration.

Comme je l’ai dit, l’ouvrage commence avec son installation à Red Hook. Période de sa vie lui inspira un de ses textes les plus racistes. Dans ce premier chapitre, le scénariste insiste aussi sur son antisémitisme tout en rappelant aussi qu’il a épousé une femme juive. De même dans la fin de l’ouvrage est rappelé qu’il considérât le fascisme comme un système politique souhaitable, mais qu’il rêvait d’un fascisme non brutal ou despotique. Ce à quoi Robert E. Howard (le créateur de Conan) lui rappela ce qu’était véritablement ce type de régime qu’en attendre autre chose c’était comme espérer « un cobra sans venin, un putois sans puanteur et un lépreux sans croûtes. » Bref cette bande dessinée n’oublie ni les côtés déplaisants de Lovecraft ni ses paradoxes.

En résumé il s’agit là d’un album fort appréciable ce n’est pas la biographie définitive de Lovecraft (et je ne pense pas que ce soit l’objectif). Cette bande dessinée reste cependant une bonne façon d’aborder certains aspects moins connus d’un homme plus complexe qu’on ne l’a souvent présenté. Ceci étant dit, je pense, malgré tout qu’il faut déjà connaître un minimum les écrits les plus connus du maître de Providence (écrits qui n’ont pas été sans influence sur les littératures de l’imaginaire) et peut être aussi sa vie dans les grandes lignes pour pouvoir apprécier au mieux le travail de déconstruction de la légende effectué ici.. Il s’agit donc moins d’une BD faite pour découvrir Lovecraft et son univers que pour rétablir quelques vérités auprès des amateurs (ou non d’ailleurs) de cet auteur.

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Sur ce blog je vais donner mon avis, pour le meilleur et pour

le pire, sur ce que j’ai lu en BD (principalement d’origine anglo-saxonne, mais pas seulement).

 

Pour mes vidéos, en plus de fournir des liens pour les visionner, je vais en fournir ici les textes afin que ceux qui n’apprécient pas ce média puissent tout de même en profiter.

 

Et puis je ne m’interdis pas de quitter de temps à autre le 9° art pour aborder d’autres trucs de geek.

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